Ndingler: des terres confisquées, des greniers vides et des paysans exposés à la famine

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Des nouvelles de Ndingler, près de deux ans après l’énorme tollé médiatique suscité par le conflit foncier ayant opposé le milliardaire sénégalais, propriétaire de la Sédima, Babacar Ngom, aux paysans de la localité. Un tour sur place a permis de constater que les populations de Ndingler campent toujours sur leur position. Devant une équipe de PressAfrik, elles ont réitéré leur détermination à reprendre leurs terres dont ils sont privés. Lasses de subir les conséquences de la rétention de leurs champs, ces populations qui voient leurs greniers se vider, craignent la famine et appellent l’Etat à rendre justice aux 12 000 âmes qui se réveillent tous les jours à Ndingler et qui vivent grâce à l’élevage, l’agriculture et le petit commerce.

Toujours aussi tranchant et sans langue de bois, le vieux Abdoulaye Dione, perçu par l’opinion comme le digne villageois incorruptible qui a repoussé les millions offerts par un milliardaire pour préserver l’intérêt de ses concitoyens, n’a pas mâché ses mots. Pour lui, si rien n’est fait, les populations de Ndingler vont mourir de faim d’ici peu.

« Il y aura la famine à Ndingler cette année »

« L’année passée, nous n’avons rien cultivé. L’hivernage n’a pas été du tout bonne. Tenez-vous bien, je vais vous dire une chose, il va y avoir de la famine ici à Ndingler cette année. Les champs auxquels nous espérons, nous ont été arrachés. Tout ça à cause de Babacar Ngom. Et voilà maintenant l’Etat à mis la main sur ces champs et nous n’avons plus où cultiver. Il y a des gendarmes qui sont là-bas. Nous avons attendu l’année passée espérant qu’on allait nous restituer nos terres, mais rien. Actuellement, nous sommes très fatigués. Cette année, il faut qu’on nous remette nos terres. Nous demandons de l’aide, nous demandons un soutien », a indiqué Abdoulaye Dione ex-chef du Village de Ndingler. Il est actuellement remplacé par son fils vu son âge.

 Poursuivant ses propos, il ajoute : « Babacar Ngom quant à lui, je n’ai rien à lui dire. Je dis plutôt au Président Macky Sall, qui le soutient, qu’on nous rende nos terres. La faim s’annonce à Ndingler qui manque de nourriture. Je vous le dis toute suite. Parce que nos terres sont toujours confisquées. Quand le Directeur de la Sédima est venu me voir, pour la première fois, il était avec le maire Gana Gningue. Il nous a demandé de lui céder nos terres, il veut y implanter une usine d’aliment pour nourrir ses poussins. Je lui ai dit, moi, je ne nourris pas des poussins, je nourris des personnes. Il m’a dit, je voulais juste trouver du travail pour vos enfants. Je lui ai dit si jamais un de nos enfants prend quelque chose là-bas et que vous le renvoyez, là, il perd ses terres, et son emploi. Où est-ce qu’il va aller ? Je lui ai dit, nous n’allons pas vous donner nos terres. Les champs qu’on vous a donnés font le double de nos champs, alors contentez vous de cela de grâce ».

Le Préfet a mis la main sur nos terres et dépêché des gendarmes pour les surveiller

 Le vieux Abdoulaye Dione est revenu sur son entretien épique avec le patron de la Sédima. Ce fameux jour où il a repoussé les millions de Babacar Ngom pour préserver les terres des villageois de Ndingler. Avant de déplorer la main mise sur ces terres par le Préfet qui a dépêché des gendarmes sur place pour les garder.

 « Il a proposé de me donner 2 millions pour que je m’achète de la cola. Je lui ai dit durant toute ma vie, je n’ai jamais vu quelqu’un donne 2 millions uniquement pour la cola. Je lui ai dit comme tu viens de Dakar, vas au carrefour de Colobane, les mendiants, les handicapés, sont là-bas, eux, ils en ont besoin. Nous sommes pauvres oui, mais laisse nous avec nos terres. C’est comme ça qu’ils sont montés dans leur 4×4 et sont repartis. Quatre (4) ans après, il revient de force et entre dans nos champs alors que le mil a déjà poussé. C’est comme ça que nos enfants se sont opposés et la gendarmerie est venue les arrêtés. Le préfet a finalement sorti un arrêté pour mettre la main sur nos terres. Et maintenant personne ne touche aux terres. Parce que les gendarmes sont là-bas », dénonce Abdoulaye Dione.

« Sur 15 greniers, il ne me reste plus que deux »

Touty Dione, habitante de Ndingler

Vers 13 h, devant une demeure située à l’intérieur du village de Ndingler, une dame du nom de Touty Dione est assise à côté d’une case, humant tranquillement l’air. Visage ruisselant de fatigue, causée en grande partie par le poids de l’âge, la grand-mère, habillée d’un grand boubou de couleur bleu. Triste et fâchée à l’évocation du sujet du jour, elle confie que sur les 15 greniers de vivres qu’elles possédaient, il ne reste plus que deux (2).

« Babacar Ngom veut arracher nos terres qui ne l’appartiennent pas. Il a déjà pris d’autres terres qu’il a commencé à cultiver. C’est là qu’il est venu chez nous, pour réclamer les miennes. Il nous impose son pouvoir, sa force. Il veut nous montrer qu’il a de l’argent. Comme aujourd’hui, nous n’avons pas étudié. Si nos enfants avaient fait des études poussées, aujourd’hui Babacar Ngom n’allait pas réagir ainsi. Nous souffrons, dans le village, car nous n’avons plus ou cultivé. Les greniers sont vides. Nous n’avons rien d’autre que la faim. Il y avait 15 greniers ici. Il ne reste que ces deux. Donc c’est la famine qui nous guette actuellement. Nous demandons de l’aide. Pour que nos terres nous reviennent », martèle la vieille Touty Dione.

Le calvaire des habitants de Ndingler et la galère des femmes enceintes 

Ndeye Codou Dione ménagère, la vingtaine bien sonnée, liste les maux dont souffre la population. « Cette année, les récoltes ne sont pas au rendez-vous. Car l’année passée, nous n’avons pas cultivé nos champs. Cultiver un seul champ cela est peu. On nous a arraché nos champs. Nous voulons aller travailler, mais nous n’avons pas où cultiver. Il manque d’eau potable, d’électricité, c’est dans ces conditions que nous vivons ici à Ndingler », dit-elle.

 À quelques mètres de la chefferie sous le bruit assourdissant d’un moulin, la jeune dame au teint clair Ndeye Codou Dione hausse à nouveau le ton. « Le plus grave quand quelqu’un tombe malade, ou une femme qui est en phase d’accouchement, nous sommes obligés d’aller jusqu’à Ndiaraw à bord d’une charrette. Des fois avant même d’arrivé à l’hôpital, certaines femmes accouchent en cours de route. Seul Dieu nous protège. Nous demandons vraiment de l’aide », sollicite la jeune femme habillée d’un boubou noir accompagné d’un foulard bleu.

Deux ans après l’éclatement de conflit foncier entre Babacar Ngom et les villageois sérères, Ndingler se meure de plus en plus. Les populations n’ont plus accès à leurs terres pour cultiver, les réserves de nourriture s’épuisent devant le regard impuissant de ces pauvres paysans qui se sentent abandonnés par l’Etat.

Ibrahima Mansaly de Pressafrik

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