Les problèmes de la Sen’Eau, filiale de Suez dans la distribution de l’eau au Sénégal, ne surprennent pas le Forum social sénégalais. Mignane Diouf et ses camarades se disent convaincus que le groupe français est venu dans ce pays pour se refaire une santé financière.

Par Babacar Guèye DIOP – Le 30 décembre 2019, la Sde, après 23 ans de présence au Sénégal, avait cessé ses activités, cédant la place au groupe Suez. Plus de deux ans après, le monde urbain et périurbain s’interroge sur la gestion du groupe français, qui dit capitaliser 160 ans d’expérience dans le domaine. Lors d’une conférence de presse hier, le Forum social sénégalais (Fss) a affirmé, avec un brin d’ironie, que l’histoire lui a donné raison. «Il y a deux ans, nous avions lancé une campagne contre le projet d’appel d’offres international, qui a permis finalement à Suez de gagner le contrat d’affermage», a rappelé Mamadou Mignane Diouf, coordonnateur du Fss. Entre pénuries récurrentes d’eau et interrogations sur la potabilité du liquide, la Sen’Eau, filiale du groupe Suez, peine à faire oublier la Sde.

Pourtant, Mignane Diouf et ses camarades avaient déposé des plaintes à l’Ofnac, à la Cour suprême, au Tribunal de Paris et à l’Armp, pour des «soupçons de corruption», afin d’invalider le contrat d’affermage liant le gouvernement à Suez. «On est même allés se plaindre devant l’Union européenne, qui a donné une partie des fonds qui ont permis d’installer la Kms3. Toutes les informations que nous avions, montraient que Suez va venir au Sénégal pour prendre le contrat et non pour respecter ses engagements d’investissement», a regretté M. Diouf. Par ailleurs, Suez est dans une procédure de rachat par Veolia pour 13 milliards d’euros, un de ses concurrents pour le contrat d’affermage. «Suez était en difficulté, du point de vue financier. Ce contrat signé avec Suez est pour le gouvernement du Sénégal, un fiasco diplomatique, politique et un fiasco en négociation internationale. Suez est venu non pas pour soulager les Sénégalais, mais pour se refaire financièrement», a analysé Mignane Diouf, selon qui, l’eau va encore coûter plus cher.

En outre, dans le cadre du 9ème Forum mondial de l’eau, «Dakar 2022», qui aura lieu du 21 au 26 mars 2022 au Centre international de conférences Abdou Diouf de Diamniadio (Cicad), se tiendra en parallèle le Forum alternatif mondial de l’eau (Fame). D’après Mignane Diouf, cet événement sera un espace ouvert de rencontres, visant à approfondir la réflexion et la formulation de propositions de la part d’instances et de mouvements de la Société civile, qui s’opposent à l’exploitation capitaliste du bien commun qu’est l’eau. «L’objectif du Fame 2022, c’est bien de faire entendre une autre voix possible dans la gouvernance de l’eau, et de permettre aux Sociétés civiles et communautés d’analyser les problèmes et de formuler des propositions et alternatives durables dans la gouvernance de l’eau et de l’assainissement», a décliné M. Diouf, membre du comité d’organisation du Fame 2022.
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